Pourquoi un secret professionnel pour le psychologue de la fonction publique hospitalière ?

Le cadre du secret professionnel est défini par l'article 226-13 du code pénal : La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende., ce qui veut dire que pour être tenu au secret, il faut l'être soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire.

Les psychologues de la fonction publique hospitalière sont soumis au secret professionnel par fonction ou mission temporaire : en effet, l'article L1110-4 du code de santé publique indique que [le secret] s'impose [...] à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. Les hôpitaux (psychiatriques ou non) dans lesquels exercent les psychologues de la FPH font partie du système de santé.
En outre, depuis l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique qui a ré-écrit le texte sur la question du secret professionnel des fonctionnaires, le débat sur l'interprétation de l'article 26 de la loi Le Pors (abrogé) est caduque et le nouveau texte est très clair : "L'agent public est tenu au secret professionnel dans le respect des articles 226-13 et 226-14 du code pénal." (article L121-6 du code général de la fonction publique).

Les psychologues (tous) sont tenus au secret professionnel par profession ainsi que l'indique cette réponse du Ministère de la santé et de la prévention à la question écrite n° 01818 du sénateur M. Jean-Pierre SUEUR se référant à l'arrêt n° 10-84.136 du 5 janvier 2011 de la Cour de Cassation.

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Sur quoi porte le secret ?

Le secret porte non seulement sur ce que le patient vous dit directement, mais il porte aussi sur ce que vous entendez ou déduisez à propos de ce patient par le biais de la connaissance d'éléments obtenus auprès d'un autre professionnel lui aussi soumis au secret.
Cette définition étendue de ce sur quoi porte le secret est issue de l'arrêt du 17 mai 1973 de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation dont voici un extrait : [le médecin] AVAIT L'OBLIGATION DE NE PAS REVELER, FUT-CE A SA MANDANTE " CE QU'IL AVAIT VU, ENTENDU OU DEDUIT EN EXERCANT SA PROFESSION, MEME EN L'ABSENCE DE CONFIDENCES DU MALADE ".

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Peut-on répondre à la justice en violant le secret professionnel ?

NON ! En principe en tous cas, parce que je vais supposer que si vous deviez violer le secret (pour signaler une maltraitance, cf. page sur le signalement), vous l'auriez déjà fait ! Ainsi, en justice, vous pourriez vous cantonner au contenu de ce que vous avez déjà pris soin de signaler !

Seule la loi peut vous autoriser ou même vous imposer de révéler le secret (c'est d'ailleurs exactement ce que dit l'article 226-14).

Ainsi, même devant un juge, au Tribunal ou en Assises, vous n'avez pas à répondre aux questions posées (sauf, bien évidemment, si vos réponses ne violent pas le secret professionnel, sauf aussi s'il s'agit d'une expertise). Si d'aventure vous en arriviez à ce stade, d'être convoqué au Tribunal, en principe, vous auriez déjà dit ce que vous saviez via un signalement aux autorités : vous pouvez rappeler que vous avez déjà dit ce que la loi vous imposait ou autorisait de révéler dans un signalement écrit, vous pouvez répéter le contenu de votre signalement puisqu'il contient des informations que la loi vous autorise ou vous impose de révéler, mais rien d'autre.

Sinon, si vous parlez hors du cadre de l'article 226-14 du code pénal, vous violez le secret (article 226-13).

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Que faire si on est appelé à témoigner (au pénal) ?

C'est le code de procédure pénale qui vous dit exactement quoi faire si vous êtes appelé à témoigner (article 109, alinéa 1) : Toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
Ni plus, ni moins. C'est-à-dire que vous y allez, mais vous ne dites rien de plus que ce que vous avez déjà dit (ou plutôt écrit) lors de votre signalement.

Cas des expertises (réalisées dans le cadre d'une réquisition) : vous devenez ainsi dépositaire d'informations d'enquête ou instruction judiciaires. Leur révélation est interdite dans les conditions de l'article 11 du code de procédure pénale.

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Le secret partagé ?

En droit pénal, il n'existe pas de secret partagé. Personne ne peut vous délier du secret (pas même le patient, pas même un juge) : seule la loi peut vous y obliger ou vous y autoriser (article 226-14).

En droit civil et administratif, il existe un secret partagé. Par exemple, à l'hôpital public, on s'en remet à la diligence d'une "équipe de soins" qui partage la connaissance d'informations concernant un patient : article L1110-4 du code de la santé publique : "Lorsque ces professionnels appartiennent à la même équipe de soins, au sens de l'article L1110-12, ils peuvent partager les informations concernant une même personne" (voir à la page Statuts : les psychologues font partie de l'équipe de soins).
Les psychologues de la FPH semblent donc pouvoir partager des informations avec les personnels de l"équipe de soins" au sens de l'article L1110-12 du code de la santé publique.

La loi de modernisation du système de santé de janvier 2016 a étendu le partage des informations de santé aux professionnels du médico-social et du social.
-Le décret n° 2016-994 vient préciser les modalités de partage d'information entre professionnels du champ de la santé et ceux du champ médico-social et social et il liste les professionnels (dont les psychologues) qui peuvent partager des informations (sous conditions).
-Le décret n° 2016-996 est relatif à la liste des structures de coopération, d'exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale dans lesquelles peuvent exercer les membres d'une équipe de soins (rappelons ici que nous sommes assimilés à des membres d'une équipe de soins par l'article L1110-12 du code de santé publique).
-Le décret n° 2016-1349 indique les conditions du partage d'informations entre professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins.
Ces 3 décrets se rapportent aux articles R1110-1 à D1110-3-4 du code de la santé publique.

Si j'ai bien compris ces textes, il en résulte que nous pouvons partager certaines informations (informations strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention, ou au suivi médico-social et social du patient, dans le respect du périmètre de nos missions) avec beaucoup d'autres professionnels dont les professionnels de santé et les professionnels des champs sanitaires, social, médico-social (reportez-vous à ces textes pour la liste exhaustive), sous conditions d'en informer préalablement le patient.
J'ai compris que ces conditions s'appliquent au partage d'informations avec les collègues de nos propres équipes (décret n° 2016-994, dans l'article 1, 2° alinéa de l'article R1110-3 qu'il institue). Cela contredit les articles L1110-4 et L1110-12 du code de la santé publique qui n'obligent pas à informer le patient au préalable puisqu'ils nous considèrent comme faisant partie de l'équipe de soins. Quoi qu'il en soit, le partage est bien prévu pour notre profession.

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Devoir de réserve, discrétion professionnelle et secret professionnel

  • Le devoir de réserve n'existe pas dans le droit privé : il s'applique uniquement aux fonctionnaires sans pour autant être inscrit dans nos statuts. C'est une construction jurisprudentielle et c'est au Tribunal administratif de statuer sur chaque situation pour déterminer s'il y a eu ou non manquement au devoir de réserve.
    Ce devoir, c'est une forme de protection de l'image de l'administration, de son impartialité (traiter chacun de façon équivalente sans distinction d'appartenance culturelle, religieuse, politique...).
    Cependant, la liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires (article L111-1 du code général de la fonction publique).
  • La discrétion professionnelle est inscrite dans notre statut (article L121-7 du code général de la fonction publique). La discrétion professionnelle porte sur tout ce qui se passe dans le service, tout ce dont vous avez connaissance durant votre travail, discussions informelles comprises, projet de service et autres documents internes. Tout cela doit rester secret, non divulgué (ni au public, ni même aux collègues hors des cadres prévus pour diffuser ces informations) sans quoi vous risquez une plainte de votre supérieur hiérarchique (le Directeur) au Tribunal administratif et une sanction disciplinaire.
    Il résulte de l'article L121-7 du code général de la fonction publique que si vous voulez divulguer quelque chose qui ressort de la discrétion professionnelle (de façon orale, en communiquant des documents), il vous faut l'accord de votre supérieur hiérarchique. Ne vous contentez pas d'un accord oral !
    J'ai trouvé une référence célèbre concernant la discrétion professionnelle : l'arrêt en Conseil d'État Demoiselle FAUCHEUX du 6 mars 1953, tellement célèbre que le texte in extenso de cet arrêt, probablement connu de tous (sauf moi), a échappé à la détermination de mes recherches ! Vous ne trouverez donc pas ce texte en bas de page ; si parmi vous quelqu'un le détient, je suis bien entendu preneur !
  • Le secret professionnel est inscrit dans la loi pénale : reportez-vous aux autres rubriques de cette page. Seule la loi peut vous en délier.

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Ressources bibliographiques à propos de secret professionnel

  • Audio : Journée d'études du 16 mai 2011 "Psychiatrie & Justice, je t'aime, moi non plus" organisée par le Collège des psychologues du CH Ravenel (Vosges, 88) sur www.psychologue-legislation.com

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Actualités
(Circulaires, décrets, lois, rapports...)

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22, 23 et matinée du 24 mai 2024
Interdits et tabous : entrave ou envol ?
CH RAVENEL (88)

Le Pôle de REMIREMONT et ses Vallées du CH RAVENEL (88) organise les 13èmes rencontres mirecurtiennes de psychiatrie sur le thème "Interdits et tabous : entrave ou envol ?", sous la présidence de Mme le Professeur Catherine JOUSSELME, Pédopsychiatre, Psychanalyste, GAP.

Interdits et tabous : entrave ou envol ?

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18 mars 2024
Enfants victimes de violences intrafamiliales et autorité parentale.

La loi n° 2024-233 du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales institue des décisions de retrait partiel ou total de l'autorité parentale aux parents auteurs ou complices de violences intrafamiliales.

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